Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dictions des prohibitionnistes et à les rendre plus opiniâtres. Leur conduite, en cette circonstance, a été indigne de vrais savants, et les journaux dans lesquels ils ont consigné leurs diatribes resteront comme preuve de leur incroyable aveuglement.

« Par cela seul, dit M. Dunoyer, que le gouvernement favorise la nation, il se montre hostile envers les étrangers. »

Ceci est du chauvinisme humanitaire : c’est comme si l’on disait que la fameuse maxime, Chacun chez soi, chacun pour soi, est une déclaration de guerre. Et voyez comme, malgré le tumulte des opinions, tout s’enchaîne dans les choses de la société ! C’est au moment où le ministère caresse l’alliance anglaise, et la défend à tout prix, que nos économistes caressent la liberté anglaise, cette liberté qui, en faisant tomber la chaîne de nos pieds, nous coupe les bras… Ne calomnions pas plus l’intérêt national que l’intérêt privé ; surtout, ne craignons point de trop aimer notre pays. Le simple bon sens, disait avec une raison éminemment pratique M. de Dombasles, et je suis surpris que M. Dunoyer n’en ait pas été frappé, a fait sentir de bonne heure aux nations qu’il vaut mieux pour elles produire un objet qu’elles consomment, que l’acheter de l’étranger. Car, le refus d’un excédant de marchandises étrangères est tout simplement le refus de manger son fonds avec son revenu ; et quant à la fantaisie, aujourd’hui désordonnée, de produire tout par soi-même, elle est encore, il faut bien le reconnaître, la seule garantie que nous ayons contre cette contagion de la féodalité mercantile qui, après avoir pris naissance en Angleterre, menace, comme un choléra, d’envahir l’Europe.

Mais la théorie du libre commerce n’admet ni distinction ni réserve. Il lui faut, avec le monopole de la terre et des instruments de travail, la communauté du marché, c’est-à-dire la coalition des aristocraties, le vassalat général des travailleurs, l’universalité de la misère.

M. Dunoyer se plaint que la protection arrête les heureux effets de la concurrence entre les peuples, et par là met obstacle aux progrès généraux de l’industrie.

J’ai déjà répondu qu’à cet égard la question des prohibitions est une question de haute police commerciale, et que c’est aux gouvernements à juger quand ils doivent étendre la prohibition, quand ils doivent la restreindre. Du reste, il est clair que si le régime prohibitif, supprimant la concurrence entre les peuples, prive la civilisation de ses heureux effets,