Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/60

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quelqu’un me prouvât, par raisons démonstratives, qu’en ceci, comme en tout le reste, je me suis trompé.

Voici donc qu’à force d’agiter la question de la douane, après avoir vu la protection commandée par la nécessité, légitimée par l’état de guerre, c’est-à-dire par la consécration universelle des monopoles, nous la trouvons encore fondée en économie politique et en droit. L’existence de la douane est intimement liée à la perception de l’impôt et au principe de la solidarité civique, aussi bien qu’à l’indépendance nationale et à la garantie constitutionnelle des propriétés.

Pourquoi donc accuserais-je seulement d’égoïsme et de monopole les industriels qui demandent protection ? Ceux qui crient, liberté ! sont-ils donc si purs ? Pendant que les uns exploitent et rançonnent le pays, regarderai-je comme des sauveurs ceux dont toute la pensée est de le vendre, et n’aurais-je point sujet à mon tour d’accuser de félonie les abolitionnistes anglophiles ? À ce propos, je rappellerai un mot de l’honnête M. de Dombasles, qui m’est resté comme un plomb sur la poitrine, et dont je n’ai jamais pénétré le mystère : « Je ne sais, écrivait-il avec tristesse, si un Français voudrait dire, ou même voudrait trouver la vérité tout entière sur quelques-unes des questions qui tiennent à ce sujet. »

La douane existe partout où s’établit un commerce de nation à nation. Les peuples sauvages la pratiquent aussi bien que les civilisés ; elle commence à poindre dans l’histoire, en même temps que l’industrie ; elle est un des principes constitutifs de la société, au même titre que la division du travail, les machines, le monopole, la concurrence, l’impôt, le crédit, etc. Je ne dis pas qu’elle doive durer toujours, au moins dans sa forme actuelle ; mais j’affirme que les causes qui l’ont fait naître dureront toujours ; conséquemment qu’il y a là une antinomie que la société doit éternellement résoudre, et que, hors de cette solution, il n’est pour les sociétés que déception et misère mutuelle. Un gouvernement peut supprimer par ordonnance ses lignes de douane : qu’importe au principe, qu’importe à la fatalité dont nous ne sommes que les organes, cette suppression ? L’antagonisme du travail et du capital en sera-t-il amoindri ? Et parce que la guerre du patriciat et du prolétariat sera généralisée ; parce que la contagion de l’opulence et du paupérisme ne rencontrera plus d’obstacles ; parce que les chaînes du vasselage