Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/67

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du genre humain que d’une seule société, loi suprême de l’économie politique.

Sans doute si les produits des ouvriers anglais étaient uniquement acquittés en denrées venues du dehors et consommées par eux ; si l'échange était conforme à la loi du travail, non-seulement entre les commerçants anglais et les autres nations, mais entre eux et leurs salariés : malgré l’anomalie d’une spécialité industrielle aussi restreinte, le mal, commercialement parlant, n’existerait pas. Mais qui ne voit le faux, le mensonge de la situation de l’Angleterre ? Ce n’est pas pour consommer les produits des autres nations que travaillent les ouvriers anglais, c’est pour la fortune de leurs maîtres. Pour l’Angleterre, l’échange intégral en nature est impossible : il faut absolument que ses exportations balancent à son avantage par une entrée toujours croissante de numéraire. L’Angleterre n’attend de personne ni fils, ni tissus, ni houilles, ni fers, ni machines, ni quincailleries, ni laines ; je dirai même ni grains, ni bière, ni viande, puisque la disette dont elle souffre, effet du monopole aristocratique, est plutôt factice que réelle. Après la réforme des lois sur les céréales, le revenu de l’Angleterre sera diminué d’un côté, mais ce sera pour être aussitôt augmenté de l’autre : sans cela, le phénomène qui se passe en elle serait inintelligible, absurde. Quant aux objets de consommation qu’elle tire du dehors, thé, sucre, café, vins, tabacs, c’est peu de chose en comparaison des masses manufacturées qu’elle peut livrer en retour. Pour que l’Angleterre puisse vivre dans la condition qu’elle s’est faite, il faut que les nations avec qui elle traite s’engagent à ne filer et lisser jamais le coton, la laine, le chanvre, le lin et la soie ; qu’elles lui abandonnent ensuite, avec le privilège des quincailleries, le monopole de l’Océan ; qu’en tout et pour tout elles acceptent, comme le leur conseillait le plus fameux et le plus fou des réformateurs contemporains, Fourier, la commission des Anglais ; que ceux-ci deviennent les facteurs du globe. Tout cela est-il possible ? Et si tout cela est impossible, comment la réciprocité des échanges avec les Anglais, dans le système de la liberté absolue du commerce, pourrait-il être une vérité ? Comment, enfin, sans le sacrifice des autres nations, la situation de l’Angleterre est-elle tenable ?

Depuis leur entrée en Chine, les Anglais fout pratiquer aux Chinois le principe de la non-prohibition. Autrefois, la sortie du numéraire était sévèrement défendue dans le Cé-