Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/73

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La même règle est applicable dans le cas où les frais d’exploitation de chaque espèce de terrain seraient inégaux, comme aussi pour toutes les variétés de culture. Bien plus, il serait possible, dans un système d’association, grâce à cette solidarité des produits et des services, d’étendre la culture aux terres dont le produit industriel ne couvrirait pas les frais : chose impossible avec le monopole.

Tout ceci, je le sais bien, n’est qu’un rêve de socialiste, une utopie contredite par la routine propriétaire ; et comme la raison est impuissante contre la coutume, il est à craindre que la répartition d’après le travail ne s’établisse de longtemps encore parmi les hommes.

Mais ce que la propriété et l’économie politique repoussent avec une égale ardeur de l’industrie privée, tous les peuples ont été d’accord de le vouloir, lorsqu’il s’est agi d’échanger entre eux les produits de leurs territoires. Alors ils se sont considérés les uns les autres comme autant d’individualités indépendantes et souveraines, exploitant, selon l’hypothèse de Ricardo, des terres de qualités inégales, mais formant entre elles, selon l’hypothèse des socialistes, pour l’exploitation du globe, une grande compagnie, dont chaque membre a droit de propriété indivise sur la totalité de la terre.

Et voici comment ils ont raisonné.

Les produits ne s’achètent qu’avec des produits, c’est-à-dire que le produit doit être en raison, non pas de son utilité, mais du travail incorporé dans cette utilité. Si donc, par l’inégale qualité du sol, le pays A donne 100 de produit brut pour 50 de travail, tandis que le pays B ne donne que 80, A doit bonifier à B 10 pour 100 sur toutes ses récoltes.

Cette bonification, il est vrai, n’est exigée qu’au moment de l’échange, ou comme l’on dit à l’importation ; mais le principe subsiste, et pour le faire ressortir, il suffit de ramener à une expression unique les valeurs diverses qui s’échangent entre deux peuples. Prenons pour exemple le blé.

Voici deux pays d’une fécondité inégale, A et B. Dans le premier, vingt mille ouvriers produisent un million d’hectolitres de blé ; dans le second, ils n’en produisent que la moitié. Le blé coûte donc en B deux fois autant qu’en A. Supposons, ce qui n’a pas lieu dans la pratique, mais ce qui s’admet très-bien en théorie, puisqu’au fond le commerce le plus varié n’est pas autre chose que l’échange, sous une forme variée, de valeurs similaires ; supposons, dis-je, que