Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas qu’il y a aussi loin du juste-milieu à la synthèse, que de la cécité à la vision.

À ce propos, je dois expliquer en quoi ce que j’appelle droit différenciel ou balance du commerce, expression synthétique de la liberté et du monopole, diffère d’une opération de juste-milieu.

Supposons qu’après la suppression des barrières, les exportations de la France, contrairement à l’attente générale et à toutes les probabilités, égalent juste ses importations : d’après les économistes, les partisans de la balance du commerce devront être satisfaits ; ils n’auront plus aucun sujet de plainte. Je dis que ce sera du juste-milieu, et qu’en conséquence nous serons encore loin de compte. Car d’après ce qui vient d’être dit, rien ne nous garantira que les marchandises étrangères que nous acquittons avec les nôtres, en monnaie de notre pays, et au cours de notre pays, ne coûtent pas à l’étranger meilleur marché que les nôtres ; auquel cas nous travaillerions toujours à perte. Supposons encore que le chiffre des exportations étant inférieur à celui des importations, le gouvernement, convaincu de la nécessité de rétablir l’équilibre, exclue à cette fin de notre marché certaines marchandises de l’étranger, dont il favoriserait chez nous la production. Ce serait encore du juste-milieu, et partant un faux calcul, puisqu’au lieu de niveler les conditions du travail, on n’établirait qu’une balance entre des chiffres parfaitement arbitraires. Rien ne ressemble plus, je le sais, au juste-milieu, que l’équilibre, mais rien au fond ne diffère davantage ; et pour ne pas m’égarer ici en de longues subtilités, je me bornerai à faire remarquer, une fois pour toutes, que le juste-milieu est la négation de deux extrêmes, mais sans affirmation, sans nulle connaissance, sans définition aucune du troisième terme, du terme vrai ; tandis que la connaissance synthétique, la vraie pondération des idées, est la science et la définition exacte de ce troisième terme, l’intelligence de la vérité, non-seulement par ses contraires, mais en elle-même et pour elle-même.

C’est cette fausse philosophie de juste-milieu, d’éclectisme et de doctrinalisme, qui aveugle encore aujourd’hui les économistes. Ils n’ont pas vu que la protection était le résultat, non d’une subversion transitoire, d’un accident anormal, mais d’une cause réelle et indestructible, qui oblige les gouvernements et qui éternellement les obligera. Cette cause, qui réside dans l’inégalité des instruments de production et