Page:Proudhon - Théorie de l impôt, Dentu, 1861.djvu/163

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prendre la civilisation à rebours. Je soutiens que les objets de luxe doivent être francs. Quels sont, en langage économique, les produits de luxe ? Ceux dont la proportion dans la richesse est la plus faible, ceux qui viennent les derniers dans la série industrielle, et dont la création suppose la préexistence des autres. À ce point de vue, tous les produits du travail humain ont été et sont encore quelque part, puis tour à tour ont cessé ou cesseront d’être des objets de luxe. Il est encore en France des cantons, des départements, où le pain de blé est un luxe. À Paris même le gros du peuple vit de pain bis… Luxe, en un mot, est synonyme de progrès : c’est, à chaque instant de la vie sociale, l’expression du maximum de bien-être réalisé par le travail, et auquel il est du droit comme de la destinée de tous de parvenir. Or, de même que l’impôt respecte, pendant un laps de temps, la maison nouvellement bâtie et le champ nouvellement défriché, de même il doit accueillir en franchise les produits nouveaux et les objets précieux, ceux-ci parce que leur rareté doit être incessamment combattue, ceux-là parce que toute invention mérite encouragement. Quoi donc ! voudriez-vous établir, sous prétexte de luxe, de nouvelles catégories de citoyens, et prenez-vous au sérieux la ville d’Idoménée et la prosopopée de Fabricius ? »

Jamais, de leur propre mouvement, les patriciens fiscaux n’eussent imaginé l’impôt de luxe, parce qu’ils visent avant tout aux grosses recettes. La population de Paris a consommé, en 1857, 1,162,036 hectolitres