Page:Proudhon - Théorie de l impôt, Dentu, 1861.djvu/81

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puissance occulte, mystique, qu’on appelait le souverain, et que nous nommons plus volontiers l’État ; elle n’a pas réduit la société aux seuls individus, transigeant, contractant entre eux, et de leur libre transaction se faisant une loi commune, comme le donnait à entendre le Contrat social de J.-J. Rousseau.

Non, le Gouvernement, le Pouvoir, l’État, comme on voudra l’appeler, s’est retrouvé, sous les ruines de l’ancien régime, tout entier, parfaitement intact, et plus fort qu’auparavant. Ce qui est nouveau depuis la Révolution, c’est la Liberté, je veux dire la condition faite à la Liberté, son état civil et politique.

Notons du reste que l’État, tel que l’a conçu la Révolution, n’est pas chose purement abstraite, comme l’ont supposé quelques-uns, Rousseau entre autres, une sorte de fiction légale ; c’est une réalité aussi positive que la société elle-même, que l’individu même. L’État est la puissance de collectivité qui résulte, en toute agglomération d’hommes, de leurs rapports mutuels, de la solidarité de leurs intérêts, de leur communauté d’action, de l’entraînement de leurs opinions et de leurs passions. L’État n’existe pas sans les citoyens sans doute ; il ne leur est point antérieur ni supérieur ; mais il existe par cela même qu’ils existent, se distinguant de chacun et de tous par des facultés et des attributions spéciales. Et la liberté n’est pas non plus une puissance fictive, consistant en une simple faculté d’opter entre faire et ne pas faire : c’est une faculté positive,