Page:Proudhon - Théorie de l impôt, Dentu, 1861.djvu/88

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espèce d’entreprise, sans être assujetti à aucun règlement corporatif, sans se voir entravé par aucun privilége ; — par la liberté du commerce, le marché prend une animation prodigieuse, la circulation devient sans bornes et s’exerce en tous sens ; — par la division du travail, tous les intérêts sont engrenés les uns dans les autres et les industries, sans perdre leur indépendance, deviennent solidaires ; — par la rapidité et la multiplicité des transactions, les valeurs de toute espèce, mobilières et immobilières, capitaux et produits, passent sans cesse de main en main, aujourd’hui au crédit de l’un, demain à celui de l’autre, sans qu’il soit possible de saisir un instant de fixité dans ce mouvement.

C’est sur ce tourbillon, qui sans cesse emporte les hommes et les choses, qu’il s’agit, pour l’État, d’exercer l’une de ses principales prérogatives, je veux dire l’assise et la répartition de l’impôt.

Les économistes, on l’a vu récemment au congrès de Lausanne, ne semblent pas se douter de cette immense transformation. Ils continuent de raisonner de l’impôt, comme si la société, comme si le monde économique, était au repos fixe. Ils oublient que, depuis la Révolution, l’immobilisme a disparu avec le droit divin et que l’humanité est poussée maintenant par deux forces rivales : la nécessité, dont les maximes se traduisent tantôt en loi d’État, tantôt en axiome de science ; et la liberté, qui dépasse tous les principes, toutes les théories, toutes les lois, tous les axiomes. On se dispute et l’on prend