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Page:Proudhon - Théorie de la propriété, 1866.djvu/126

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pour faire place à la fédération des familles ; ce qui conduit à attribuer a chacune d’elles l’indépendance et l’autonomie. Or, l’indépendance de la famille a pour expression l’autorité absolue du père de famille. Niez cette autorité, vous rattachez par un fil la famille à l’État ; vous faites rentrer jusqu’à certain point la femme et les enfants dans la communauté ; vous jetez entre eux et le père un ferment de division. Lequel, selon vous, est le plus avantageux à la mère et aux enfants d’être placés sous la garde exclusive et l’autorité du père, ou bien d’avoir contre lui un recours auprès du magistrat ? — Dans le premier cas, vous vous fiez à l’amour de l’homme, à son honneur, à sa dignité, à ses meilleurs sentiments ; dans le second vous en faites un simple délégué de l’État, avec obligation et responsabilité. La question est, comme vous le voyez, des plus graves ; et si le second parti semble plus sûr, le premier est incontestablement d’une moralité supérieure. À Rome, où le divorce était la prérogative du mari, il s’écoula plus de cinq siècles sans qu’il en eût un seul exemple ; je n’ai lu nulle part que pendant le même laps de temps les pères se soient donné le plaisir de déshériter leurs enfants, ou de dévorer en débauche leur héritage. Au rebours, quand le préteur prit sous sa tutelle les enfants et les femmes, limita le testament, il n’y avait plus de famille ; les mœurs avaient péri par d’autres causes.

Il résulte de cette analyse que, malgré le préjugé qui s’élève, dans la Raison individuelle, contre toute espèce