Page:Proudhon - Théorie de la propriété, 1866.djvu/16

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La propriété, question formidable par les intérêts qu’elle met en jeu, les convoitises qu’elle éveille, les terreurs qu’elle fait naître. La propriété, mot terrible par les nombreuses acceptions que notre langue lui attribue, les équivoques qu’il permet, les amphigouris qu’il tolère. Quel homme, soit ignorance, soit mauvaise foi, m’a jamais suivi sur le terrain même où je l’appelais ? Que faire, qu’espérer, lorsque je vois des juristes, des professeurs de droit, des lauréats de l’institut, confondre la PROPRIÉTÉ avec toutes les formes de la possession, loyer, fermage, emphytéose, usufruit, jouissance des choses qui se consomment par l’usage ? — Quoi, dit l’un, je ne serais pas propriétaire de mon mobilier, de mon paletot, de mon chapeau, que j’ai bien et dûment payés ! — On me contesterait, dit l’autre, la propriété de mon salaire, que j’ai gagné à la sueur de mon front ! — J’invente une machine, crie celui-ci ; j’y ai mis vingt ans d’études, de recherches et d’essais, et l’on me prendrait, on me volerait ma découverte ! — J’ai, reprend celui-là, produit un livre, fruit de longues et patientes méditations ; j’y ai mis mon style, mes idées, mon âme, ce qu’il y a de plus personnel dans l’homme, et je n’aurais pas droit à une rémunération !

C’est aux logiciens de cette force que, poussant jusqu’à l’absurde la confusion des divers sens dit mot propriété, je répondais, en 1863, dans mes Majorats littéraires : « Ce mot est sujet à des acceptions fort différentes) et ce serait raisonner d’une manière bouffonne que de passer, sans autre transition, d’une acception