Page:Proudhon - Théorie de la propriété, 1866.djvu/160

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Car c’est par la division et la vente que l’accaparement est rendu possible : ôtez à la propriété sa prérogative absolutiste, et la terre sera possédée par tous, précisément parce qu’elle n’appartiendra domanialement à personne.

Ceci revient à dire que les citoyens sont tous de même droit et de même dignité dans l’État ; que si la nature les a créés inégaux quant aux facultés de réalisation, la tendance de la civilisation et des lois est de restreindre dans la pratique les effets de cette inégalité, en donnant a tous les mêmes garanties et, autant que possible, la même éducation ; mais que la propriété entrave cette heureuse tendance, par ses mutations incessantes et ses accaparements. On accuse, en conséquence, la propriété d’être hostile à l’égalité, et on la place sous ce rapport au-dessous de la possession.

L’abus ici dénoncé existe : à Dieu ne plaise que je le méconnaisse, puisque c’est dans les abus de la propriété que j’en cherche la fonction organique et la destination providentielle. Mais, chose singulière, le reproche qu’on adresse ici à la propriété d’être un obstacle a l’égalité des conditions et des fortunes, le fief et la possession, qui semblent avoir été institués dans une pensée et pour une fin diamétralement contraires, le méritent bien davantage. C’est un fait d’histoire universelle, que la terre n’a été nulle part plus, inégalement répartie que là où le système de la possession simple a été prédominant, et où le fief a supplanté l’alleu : et réciproquement, que les États où l’