Page:Proudhon - Théorie de la propriété, 1866.djvu/211

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politique ou l’histoire ; elles diffèrent en ce que la loi des conventions est un principe, une notion élémentaire de facile et primitive aperception, tandis que la loi de propriété est une constitution qui ne se pose, ne se développe et ne se consolide qu’avec le temps. Il en est de la propriété comme de toutes les grandes lois qui régissent l’univers, alors même que la raison des philosophes les nie et que le vulgaire les viole à chaque pas. Ainsi le droit gouverne la civilisation ; mais où son essence et ses lois sont-elles bien connues ? Où son observance est-elle entière et sincère ? Ainsi l’égalité de l’échange est la loi du commerce : et l’agiotage est admis dans la pratique universelle. Ainsi l’égalité devant la loi est aussi ancienne que l’institution des tribunaux ; et l’humanité n’a pas encore cessé d’avoir des esclaves, des serfs, des prolétaires. Tout de même la propriété régit les États : présente, elle les tient en équilibre ; absente, elle les livre aux révolutions et aux démembrements, portant avec elle sa sanction, soit qu’elle châtie, soit qu’elle récompense. Nul ne petit dire en ce moment que d’ici à la fin du siècle, quelque décret de cette Providence que M. Laboulaye adore n’aura pas détruit en France la propriété ; ce qui est certain, c’est qu’alors la France aura perdu, avec le sentiment de la liberté, le sens du droit. C’est qu’elle sera devenue le fléau des nations, et que ce ne sera que justice de la traiter comme fut, au dix-huitième siècle, traitée la Pologne.

Mais écartons ces sombres pronostics. L’institution de propriété est enfin comprise. La théorie en est donnée :