Page:Proust - À la recherche du temps perdu édition 1919 tome 10.djvu/12

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le plus souvent de produire quelque effet. Le Futur vers lequel il se dirigeait le désignait à la personne assise sur la banquette d’en face, laquelle se disait : « Ce doit être quelqu’un », discernait, fût-ce autour du chapeau mou de Cottard ou du sculpteur Ski, une vague auréole, et n’était qu’à demi étonnée quand, à la station suivante, une foule élégante, si c’était leur point terminus, accueillait le fidèle à la portière et s’en allait avec lui vers l’une des voitures qui attendaient, salués tous très bas par l’employé de Doville, ou bien, si c’était à une station intermédiaire, envahissait le compartiment. C’est ce que fit, et avec précipitation, car plusieurs étaient arrivés en retard, juste au moment où le train déjà en gare allait repartir, la troupe que Cottard mena au pas de course vers le wagon à la fenêtre duquel il avait vu mes signaux. Brichot, qui se trouvait parmi ces fidèles, l’était devenu davantage au cours de ces années qui, pour d’autres, avaient diminué leur assiduité. Sa vue baissant progressivement l’avait obligé, même à Paris, à diminuer de plus en plus les travaux du soir. D’ailleurs il avait peu de sympathie pour la Nouvelle Sorbonne où les idées d’exactitude scientifique, à l’allemande, commençaient à l’emporter sur l’humanisme. Il se bornait exclusivement maintenant à son cours et aux jurys d’examen ; aussi avait-il beaucoup plus de temps à donner à la mondanité. C’est-à-dire aux soirées chez les Verdurin, ou à celles qu’offrait parfois aux Verdurin tel ou tel fidèle, tremblant d’émotion. Il est vrai qu’à deux reprises l’amour avait manqué de faire ce que les travaux ne pouvaient plus : détacher Brichot du petit clan. Mais Mme  Verdurin, qui « veillait au grain », et d’ailleurs, en ayant pris l’habitude dans l’intérêt de son salon, avait fini par trouver un plaisir désintéressé dans ce genre de drames et d’exécutions, l’avait irrémédiablement brouillé avec la personne