certains passages de la conversation où Bergotte avait l’habitude de se mettre à parler d’une façon qui ne paraissait pas affectée et déplaisante qu’à M. de Norpois, j’ai été long à découvrir une exacte correspondance avec les parties de ses livres où sa forme devenait si poétique et musicale. Alors il voyait dans ce qu’il disait une beauté plastique indépendante de la signification des phrases, et comme la parole humaine est en rapport avec l’âme, mais sans l’exprimer comme fait le style, Bergotte avait l’air de parler presque à contresens, psalmodiant certains mots et, s’il poursuivait au-dessous d’eux une seule image, les filant sans intervalle comme un même son, avec une fatigante monotonie. De sorte qu’un débit prétentieux, emphatique et monotone était le signe de la qualité esthétique de ses propos et l’effet, dans sa conversation, de ce même pouvoir qui produisait dans ses livres la suite des images de l’harmonie. J’avais eu d’autant plus de peine à m’en apercevoir d’abord que ce qu’il disait à ces moments-là, précisément parce que c’était vraiment de Bergotte, n’avait pas l’air d’être du Bergotte. C’était un foisonnement d’idées précises, non incluses dans ce « genre Bergotte » que beaucoup de chroniqueurs s’étaient approprié ; et cette dissemblance était probablement — vue d’une façon trouble à travers la conversation, comme une image derrière un verre fumé — un autre aspect de ce fait que quand on lisait une page de Bergotte, elle n’était jamais ce qu’aurait écrit n’importe lequel de ces plats imitateurs qui pourtant, dans le journal et dans le livre, ornaient leur prose de tant d’images et de pensées « à la Bergotte ». Cette différence dans le style venait de ce que « le Bergotte » était avant tout quelque élément précieux et vrai, caché au cœur de quelque chose, puis extrait d’elle par ce grand écrivain grâce à son génie, extraction qui était le but du doux Chantre et non pas de faire du Bergotte. À vrai dire il en faisait mal-
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