qui, je crois, cherchait d’ailleurs une place plus lucrative. Mais son départ a failli entraîner la démission de tout le ministère. Ma femme de chambre ne voulait pas rester non plus, il y a eu des scènes homériques. Malgré tout, j’ai tenu ferme le gouvernail, et c’est une véritable leçon de choses qui n’aura pas été perdue pour moi. Je vous ennuie avec ces histoires de serviteurs, mais vous savez comme moi quel tracas c’est d’être obligée de procéder à des remaniements dans son personnel. »
— Et nous ne verrons pas votre délicieuse fille ? demandait-elle. — Non, ma délicieuse fille dîne chez une amie », répondait Mme Swann, et elle ajoutait en se tournant vers moi : « Je crois qu’elle vous a écrit pour que vous veniez la voir demain… Et nos babys ? », demandait-elle à la femme du Professeur. Je respirai largement. Ces mots de Mme Swann, qui me prouvaient que je pourrais voir Gilberte quand je voudrais, me faisaient justement le bien que j’étais venu chercher et qui me rendait à cette époque-là les visites à Mme Swann si nécessaires. « Non, je lui écrirai un mot ce soir. Du reste, Gilberte et moi nous ne pouvons plus nous voir », ajoutais-je, ayant l’air d’attribuer notre séparation à une cause mystérieuse, ce qui me donnait encore une illusion d’amour, entretenue aussi par la manière tendre dont je parlais de Gilberte et dont elle parlait de moi. « Vous savez qu’elle vous aime infiniment, me disait Mme Swann. Vraiment vous ne voulez pas demain ? » Tout d’un coup une allégresse me soulevait, je venais de me dire : « Mais après tout pourquoi pas, puisque c’est sa mère elle-même qui me le propose. » Mais aussitôt je retombais dans ma tristesse. Je craignais qu’en me revoyant Gilberte pensât que mon indifférence de ces derniers temps avait été simulée et j’aimais mieux prolonger la séparation. Pendant ces apartés Mme Bontemps se plaignait de l’ennui que lui causaient les femmes des hommes politiques, car elle affectait de trouver tout