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Page:Proust - À la recherche du temps perdu édition 1919 tome 5.djvu/119

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« J’aurais été si content de les connaître », dis-je à Elstir en arrivant près de lui. — Aussi pourquoi restez-vous à des lieues ? » Ce furent les paroles qu’il prononça, non qu’elles exprimassent sa pensée, puisque si son désir avait été d’exaucer le mien, m’appeler lui eût été bien facile, mais peut-être parce qu’il avait entendu des phrases de ce genre, familier aux gens vulgaires pris en faute, et parce que même les grands hommes sont, en certaines choses, pareils aux gens vulgaires, prennent les excuses journalières dans le même répertoire qu’eux, comme le pain quotidien chez le même boulanger ; soit que de telles paroles qui doivent en quelque sorte être lues à l’envers, puisque leur lettre signifie le contraire de la vérité, soient l’effet nécessaire, le graphique négatif d’un réflexe. « Elles étaient pressées. » Je pensai que surtout elles l’avaient empêché d’appeler quelqu’un qui leur était peu sympathique ; sans cela il n’y eût pas manqué, après toutes les questions que je lui avais posées sur elles, et l’intérêt qu’il avait bien vu que je leur portais.

— Je vous parlais de Carquethuit, me dit-il, avant que je l’eusse quitté à sa porte. J’ai fait une petite esquisse où on voit bien mieux la cernure de la plage. Le tableau n’est pas trop mal, mais c’est autre chose. Si vous le permettez, en souvenir de notre amitié, je vous donnerai mon esquisse, ajouta-t-il, car les gens qui vous refusent les choses qu’on désire vous en donnent d’autres.

— J’aurais beaucoup aimé, si vous en possédiez, avoir une photographie du petit portrait de Miss Sacripant ! Mais qu’est-ce que c’est que ce nom ? — C’est celui d’un personnage que tint le modèle dans une stupide petite opérette. — Mais vous savez que je ne la connais nullement, monsieur, vous avez l’air de croire le contraire.

Elstir se tut. « Ce n’est pourtant pas Mme Swann avant son mariage », dis-je par une de ces brusques