Page:Proust - À la recherche du temps perdu édition 1919 tome 7.djvu/51

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avec le sens de la beauté plastique. Mais à son nom Mme  de Villeparisis avait refusé, car c’était l’amie de Saint-Loup.

— J’ai de meilleures nouvelles, me dit-elle à l’oreille, je crois que cela ne bat plus que d’une aile et qu’ils ne tarderont pas à être séparés, malgré un officier qui a joué un rôle abominable dans tout cela, ajouta-t-elle. (Car la famille de Robert commençait à en vouloir à mort à M. de Borodino qui avait donné la permission pour Bruges, sur les instances du coiffeur, et l’accusait de favoriser une liaison infâme.) C’est quelqu’un de très mal, me dit Mme  de Villeparisis, avec l’accent vertueux des Guermantes même les plus dépravés. De très, très mal, reprit-elle en mettant trois t à très. On sentait qu’elle ne doutait pas qu’il ne fût en tiers dans toutes les orgies. Mais comme l’amabilité était chez la marquise l’habitude dominante, son expression de sévérité froncée envers l’horrible capitaine, dont elle dit avec une emphase ironique le nom : le Prince de Borodino, en femme pour qui l’Empire ne compte pas, s’acheva en un tendre sourire à mon adresse avec un clignement d’œil mécanique de connivence vague avec moi.

— J’aime beaucoup de Saint-Loup-en-Bray, dit Bloch, quoiqu’il soit un mauvais chien, parce qu’il est extrêmement bien élevé. J’aime beaucoup, pas lui, mais les personnes extrêmement bien élevées, c’est si rare, continua-t-il sans se rendre compte, parce qu’il était lui-même très mal élevé, combien ses paroles déplaisaient. Je vais vous citer une preuve que je trouve très frappante de sa parfaite éducation. Je l’ai rencontré une fois avec un jeune homme, comme il allait monter sur son char aux belles jantes, après avoir passé lui-même les courroies splendides à deux chevaux nourris d’avoine et d’orge et qu’il n’est pas besoin d’exciter avec le fouet étincelant. Il nous présenta, mais je n’entendis pas le nom du