Page:Proust - À la recherche du temps perdu édition 1919 tome 8.djvu/223

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mais d’un fils de la personne qui vous intéresse. Comme il n’existe pas de princesse de ce nom, j’ai supposé qu’il s’agissait d’une pauvresse couchant sous le pont d’Iéna et qui avait pris pittoresquement le titre de princesse d’Iéna, comme on dit la Panthère des Batignolles ou le Roi de l’Acier. Mais non, il s’agissait d’une personne riche dont j’avais admiré à une exposition des meubles fort beaux et qui ont sur le nom du propriétaire la supériorité de ne pas être faux. Quant au prétendu duc de Guastalla, ce devait être l’agent de change de mon secrétaire, l’argent procure tant de choses. Mais non ; c’est l’Empereur, paraît-il, qui s’est amusé à donner à ces gens un titre précisément indisponible. C’est peut-être une preuve de puissance, ou d’ignorance, ou de malice, je trouve surtout que c’est un fort mauvais tour qu’il a joué ainsi à ces usurpateurs malgré eux. Mais enfin je ne puis vous donner d’éclaircissements sur tout cela, ma compétence s’arrête au faubourg Saint-Germain où, entre tous les Courvoisier et Gallardon, vous trouverez, si vous parvenez à découvrir un introducteur, de vieilles gales tirées tout exprès de Balzac et qui vous amuseront. Naturellement tout cela n’a rien à voir avec le prestige de la princesse de Guermantes, mais, sans moi et mon Sésame, la demeure de celle-ci est inaccessible. »

— C’est vraiment très beau, monsieur, à l’hôtel de la princesse de Guermantes.

— Oh ! ce n’est pas très beau. C’est ce qu’il y a de plus beau ; après la princesse toutefois.

— La princesse de Guermantes est supérieure à la duchesse de Guermantes ?

— Oh ! cela n’a pas de rapport. (Il est à remarquer que, dès que les gens du monde ont un peu d’imagination, ils couronnent ou détrônent, au gré de leurs sympathies ou de leurs brouilles, ceux dont la situation paraissait la plus solide et la mieux fixée.)