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Page:Proust - À la recherche du temps perdu édition 1919 tome 9.djvu/130

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— Vous trouvez ? répondait Mme de Surgis ravie.

Swann m’ayant aperçu s’approcha de Saint-Loup et de moi. La gaieté juive était chez Swann moins fine que les plaisanteries de l’homme du monde. « Bonsoir, nous dit-il. Mon Dieu ! tous trois ensemble, on va croire à une réunion de syndicat. Pour un peu on va chercher où est la caisse ! » Il ne s’était pas aperçu que M. de Beauserfeuil était dans son dos et l’entendait. Le général fronça involontairement les sourcils. Nous entendions la voix de M. de Charlus tout près de nous : « Comment ? vous vous appelez Victurnien, comme dans le Cabinet des Antiques », disait le baron pour prolonger la conversation avec les deux jeunes gens. « De Balzac, oui », répondit l’aîné des Surgis, qui n’avait jamais lu une ligne de ce romancier mais à qui son professeur avait signalé, il y avait quelques jours, la similitude de son prénom avec celui de d’Esgrignon. Mme de Surgis était ravie de voir son fils briller et de M. de Charlus extasié devant tant de science.

— Il paraît que Loubet est en plein pour nous, de source tout à fait sûre, dit à Saint-Loup, mais cette fois à voix plus basse pour ne pas être entendu du général, Swann pour qui les relations républicaines de sa femme devenaient plus intéressantes depuis que l’affaire Dreyfus était le centre de ses préoccupations. Je vous dis cela parce que je sais que vous marchez à fond avec nous.

— Mais, pas tant que ça ; vous vous trompez complètement, répondit Robert. C’est une affaire mal engagée dans laquelle je regrette bien de m’être fourré. Je n’avais rien à voir là dedans. Si c’était à recommencer, je m’en tiendrais bien à l’écart. Je suis soldat et avant tout pour l’armée. Si tu restes un moment avec M. Swann, je te retrouverai tout à l’heure, je vais près de ma tante.

Mais je vis que c’était avec Mlle d’Ambressac qu’il