peu comme Mazarin pour ses livres, mais, du reste, sans angoisse aucune, que ce sera bien embêtant de quitter tout cela. Mais venons à l’entretien avec le Prince, je ne le raconterai qu’à une seule personne, et cette personne, cela va être vous. » J’étais gêné, pour l’entendre, par la conversation que, tout près de nous, M. de Charlus, revenu dans la salle de jeux, prolongeait indéfiniment. « Et vous lisez aussi ? Qu’est-ce que vous faites ? » demanda-t-il au comte Arnulphe, qui ne connaissait même pas le nom de Balzac. Mais sa myopie, comme il voyait tout très petit, lui donnait l’air de voir très loin, de sorte que, rare poésie en un sculptural dieu grec, dans ses prunelles s’inscrivaient comme de distantes et mystérieuses étoiles.
« Si nous allions faire quelques pas dans le jardin, monsieur », dis-je à Swann, tandis que le comte Arnulphe, avec une voix zézayante qui semblait indiquer que son développement, au moins mental, n’était pas complet, répondait à M. de Charlus avec une précision complaisante et naïve : « Oh ! moi, c’est plutôt le golf, le tennis, le ballon, la course à pied, surtout le polo. » Telle Minerve, s’étant subdivisée, avait cessé, dans certaine cité, d’être la déesse de la Sagesse et avait incarné une part d’elle-même en une divinité purement sportive, hippique, « Athénè Hippia ». Et il allait aussi à Saint-Moritz faire du ski, car Pallas Tritogeneia fréquente les hauts sommets et rattrape les cavaliers. « Ah ! » répondit M. de Charlus, avec le sourire transcendant de l’intellectuel qui ne prend même pas la peine de dissimuler qu’il se moque, mais qui, d’ailleurs, se sent si supérieur aux autres et méprise tellement l’intelligence de ceux qui sont le moins bêtes, qu’il les différencie à peine de ceux qui le sont le plus, du moment qu’ils peuvent lui être agréables d’une autre façon. En parlant à Arnulphe, M. de Charlus