Page:Proust - Contre Sainte-Beuve, 1954.djvu/164

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les grands vers flamboyants « comme des ostensoirs » qui sont la gloire de ses poèmes :

Elle-même prépare au fond de la Géhenne
Les bûchers consacrés aux crimes maternels.

et tous les autres éléments du génie de Baudelaire, que j’aimerais tant t’énumérer, si j’avais le temps. Mais dans cette pièce ce sont déjà les belles images de la théologie catholique qui l’emportent.

Des trônes, des vertus, des Dominations.

Je sais que la douleur est la noblesse unique
Où ne mordront jamais la terre et les enfers,
Et qu’il faut pour tresser ma couronne mystique
Imposer tous les temps et tous les univers.

(Image celle-là pas ironique de la douleur, comme étaient celles du dévouement et de la charité que j’ai citées, mais encore bien impassible, plus belle de forme, d’allusion à des œuvres d’art du Moyen Âge catholique, plus picturale qu’émue !)

Je ne parle pas des vers sur la Madone, puisque là c’est précisément le jeu de prendre toutes ces formes catholiques. Mais bientôt ces merveilleuses images :

Je traîne des serpents qui mordent mes souliers