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IV

LA COMTESSE


Nous habitions un appartement au second étage, dans le corps de logis latéral d’un de ces anciens hôtels comme il n’y en a plus guère dans Paris, où la cour d’honneur était – soit flot envahissant de la démocratie, soit survivance des métiers assemblés sous la protection du seigneur – encombrée d’autant de petites boutiques que le sont les abords d’une cathédrale que l’esthétique moderne n’a pas encore « dégradée  », à commencer à la place de «  loge  » par une échoppe de savetier entourée d’un carré de lilas et occupée par le concierge, qui rapetassait des chaussures, élevait des poules et des lapins, pendant que dans le fond de la cour habitait naturellement, en vertu d’une location récente, mais, me semblait-il, de par un privilège immémorial, la «  comtesse  » qu’il y avait toujours à cette époque-là dans les petits «  hôtels au fond de la cour  », et qui, quand elle sortait dans sa grande calèche à deux chevaux, sous les