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MÉLANGES

race[1]. Le devoir qui me fut imposé dès ma première jeunesse, en lisant chaque mot des évangiles et des prophéties, de bien me pénétrer qu’il était écrit par la main de Dieu, me laissa l’habitude d’une attention respectueuse qui, plus tard, rendit bien des passages des auteurs profanes, frivoles pour les lecteurs irréligieux, profondément graves pour moi. Jusqu’à quel point mon esprit a été paralysé par les fautes

  1. Cf. « Vous êtes peut-être surpris d’entendre parler d’Horace comme d’une personne pieuse. Les hommes sages savent qu’il est sage, les hommes sincères qu’il est sincère. Mais les hommes pieux, par défaut d’attention ne savent pas toujours qu’il est pieux. Un grand obstacle à ce que vous le compreniez est qu’on vous a fait construire des vers latins toujours avec l’introduction forcée du mot « Jupiter » quand vous étiez en peine d’un dactyle. Et il vous semble toujours qu’Horace ne s’en servait que quand il lui manquait un dactyle. Remarquez l’assurance qu’il nous donne de sa piété : Dis pieta mea, et musa, cordi est, etc. » (Val d’Arno, chap. IX, § 218, 219, 220, 221 et suiv.). Voyez aussi : « Horace est exactement aussi sincère dans sa foi religieuse que Wordworth, mais tout pouvoir de comprendre les honnêtes poètes classiques a été enlevé à la plupart de nos gentlemen par l’exercice mécanique de la versification au collège. Dans tout le cours de leur vie, ils ne peuvent se délivrer complètement de cette idée que tous les vers ont été écrits comme exercices et que Minerve n’était qu’un mot commode à mettre comme avant-dernier dans un hexamètre et Jupiter comme dernier. Rien n’est plus faux… Horace consacre son pin favori à Diane, chante son hymne automnal à Faunus, dirige la noble jeunesse de Rome dans son hymne à Apollon, et dit à la petite-fille du fermier que les Dieux l’aimeront quoiqu’elle n’ait à leur offrir qu’une poignée de sel et de farine — juste aussi sérieusement que jamais gentleman anglais ait enseigné la foi chrétienne à la jeunesse anglaise, dans ses jours sincères (The Queen of the air, I, 47, 48). Et enfin : « La foi d’Horace en l’esprit de la Fontaine de Brundusium, en le Faune de sa colline et en la protection des grands Dieux et Constante, profonde et effective (Fors Clavigere Lettre XCII, 111).
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