erroné est souvent plus intéressante que celle de l’œuvre jugée et correspond à quelque chose qui, pour être autre qu’elle, n’est pas moins précieux. Que Ruskin ait tort quand il dit que le Beau Dieu d’Amiens « dépassait en tendresse sculptée ce qui avait été atteint jusqu’alors, bien que toute représentation du Christ doive éternellement décevoir l’espérance que toute âme aimante a mise en lui », et que ce soit M. Huysmans qui ait raison quand il appelle ce même Dieu d’Amiens un « bellâtre à figure ovine », c’est ce que nous ne croyons pas, mais c’est ce qu’il importe peu de savoir. Que le Beau Dieu d’Amiens soit ou non ce qu’a cru Ruskin est sans importance pour nous. Comme Buffon a dit que « toutes les beautés intellectuelles qui s’y trouvent (dans un beau style), tous les rapports dont il est composé, sont autant de vérités aussi utiles et peut-être plus précieuses pour l’esprit public que celles qui peuvent faire le fond du sujet », les vérités dont se compose la beauté des pages de la Bible sur le Beau Dieu d’Amiens ont une valeur indépendante de la beauté de cette statue, et Ruskin ne les aurait pas trouvées s’il en avait parlé avec dédain, car l’enthousiasme seul pouvait lui donner la puissance de les découvrir.
Jusqu’où cette âme merveilleuse a fidèlement reflété l’univers, et sous quelles formes touchantes et tentatrices le mensonge a pu se glisser malgré tout au sein de sa sincérité intellectuelle, c’est ce qu’il ne nous sera peut-être jamais donné de savoir, et ce qu’en tous cas nous ne pouvons chercher ici. Quoi qu’il en soit, il aura été un de ces « génies » dont même ceux d’entre nous qui ont reçu à leur naissance les dons des fées ont besoin pour être initiés à la connaissance et