Page:Proust - Pastiches et Mélanges, 1921.djvu/28

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si prochaine, si aisément vérifiable, si sommaire même et nullement détaillée, vous commettez de telles bévues ! Mais passons : l’auteur voulait une occasion de décrire le président, il ne l’a pas laissée échapper. Ce président a « un visage de pitre (ce qui suffit à désintéresser le lecteur) une robe trop étroite pour sa corpulence (trait assez gauche et qui ne peint rien), des prétentions à l’esprit ». Passe encore pour le visage de pitre ! L’auteur est d’une école qui ne voit jamais rien dans l’humanité de noble ou d’estimable. Pourtant M. Flaubert, bas Normand s’il en fut, est d’un pays de fine chicane et de haute sapience qui a donné à la France assez de considérables avocats et magistrats, je ne veux point distinguer ici. Sans même se borner aux limites de la Normandie, l’image d’un président Jeannin sur lequel M. Villemain nous a donné plus d’une indication délicate, d’un Mathieu Marais, d’un Saumaise, d’un Bouhier, voire de l’agréable Patru, de tel de ces hommes distingués par la sagesse du conseil et d’un mérite si nécessaire, serait aussi intéressante, je crois, et aussi vraie que celle du président à « visage de pitre » qui nous est ici montrée. Va pourtant pour visage de pitre ! Mais s’il a des « prétentions à l’esprit », qu’en savez-vous, puisque aussi bien il n’a pas encore ouvert la bouche ? Et de même, un peu plus loin, l’auteur, dans le public qu’il nous décrit, nous montrera du doigt un « réactionnaire ». C’est une désignation assez fréquente aujourd’hui. Mais ici, je le demande encore à M. Flaubert : « Un réactionnaire ? à quoi reconnaissez-vous cela à distance ? Qui vous la dit ? Qu’en savez-vous ? » L’auteur, évidemment, s’amuse, et tous ces traits sont inventés à plaisir. Mais ce n’est rien encore,