Page:Proust - Pastiches et Mélanges, 1921.djvu/39

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le gouvernement et la justice, et s’opposant à ce qu’a de calamiteux pour elle toute nouvelle invention. Comme bouquet, on apporte à Lucien la nouvelle, me donnant le dénouement de la pièce déjà ébauchée, que leur ami Marcel Proust se serait tué, à la suite de la baisse des valeurs diamantifères, baisse anéantissant une partie de sa fortune. Un curieux être, assure Lucien, que ce Marcel Proust, un être qui vivrait tout à fait dans l’enthousiasme, dans le bondieusement de certains paysages, de certains livres, un être par exemple qui serait complètement enamouré des romans de Léon. Et après un long silence, dans l’expansion enfiévrée de l’après-dîner, Lucien affirme : — Non, ce n’est pas parce qu’il s’agit de mon frère, ne le croyez pas, monsieur de Goncourt, absolument pas. Mais enfin il faut bien dire la vérité. Et il cite ce trait qui ressort joliment dans le faire miniaturé de son dire : Un jour, un monsieur rendait un immense service à Marcel Proust, qui pour le remercier l’emmenait déjeuner à la campagne. Mais voici qu’en causant, le monsieur, qui n’était autre que Zola, ne voulait absolument pas reconnaître qu’il n’y avait jamais eu en France qu’un écrivain tout à fait grand et dont Saint-Simon seul approchait, et que cet écrivain était Léon. Sur quoi, fichtre ! Proust oubliant la reconnaissance qu’il devait à Zola l’envoyait, d’une paire de claques, rouler dix pas plus loin, les quatre fers en l’air. Le lendemain on se battait, mais, malgré l’entremise de Ganderax, Proust s’opposait bel et bien à toute réconciliation. » Et tout à coup, dans le bruit des mazagrans qu’on passe, Lucien me fait à l’oreille, avec un geignardement comique, cette révélation : « Voyez-vous, moi, monsieur de