Page:Proust - Pastiches et Mélanges, 1921.djvu/66

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inventions du Moine pour jeter contre lui-même des accusations ineptes, mais dangereuses au dernier point ; je lui rappelai — et je frémis encore parfois, la nuit quand je me réveille, de la hardiesse que j’eus d’employer ces mots mêmes — qu’il avait été accusé à plusieurs reprises d’empoisonnement contre les princes qui lui barraient la voie au trône ; que ce grand amas de pierreries qu’on ferait accepter comme vraies l’aiderait à atteindre plus facilement à celui d’Espagne, pour quoi on ne doutait point qu’il y eut concert entre lui, la cour de Vienne, l’empereur et Rome ; que par la détestable autorité de celle-ci il répudierait Mme d’Orléans dont c’était pour lui une grâce de la Providence que les dernières couches eussent été heureuses, sans quoi eussent été renouvelées les infâmes rumeurs d’empoisonnement ; qu’à vrai dire, pour vouloir la mort de madame sa femme, il n’était pas comme son frère convaincu du goût italien — ce furent encore mes termes — mais que c’était le seul vice dont on ne l’accusât pas (non plus que n’avoir pas les mains nettes), puisque ses relations avec Mme la duchesse de Berry paraissaient à beaucoup ne pas être celles d’un père ; que s’il n’avait pas hérité l’abominable goût de Monsieur pour tout le reste, il en était bien le fils par l’habitude des parfums qui l’avaient mis mal avec le roi qui ne les pouvait souffrir, et plus tard avaient favorisé les bruits affreux d’avoir attenté à la vie de la dauphine, et par avoir toujours mis en pratique la détestable maxime de diviser pour régner à l’aide des redites de l’un à l’autre qui étaient la peste de sa cour, comme elles l’avaient été de celle de Monsieur, son père, où elles avaient empêché de régner l’unisson ; qu’il avait gardé pour les favoris