Page:Proust - Pastiches et Mélanges, 1921.djvu/84

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s’avilit, tout est rongé dès le principe, dans un État où le fer rouge n’est pas porté d’abord sur les prétentions pour qu’elles ne puissent plus renaître.

Le roi d’Angleterre était accompagné de milord Derby qui jouissait ici, comme dans son pays, de beaucoup de considération. Il n’avait pas au premier abord cet air de grandeur et de rêverie qui frappait tant chez B. Lytton, mort depuis, ni le singulier visage et qui ne se pouvait oublier de milord Dufferin. Mais il plaisait peut-être plus encore qu’eux par une façon d’amabilité que n’ont point les Français et par quoi ils sont conquis. Louvois l’avait voulu presque malgré lui auprès du Roi à cause de ses capacités et de sa connaissance approfondie des affaires de France.

Le roi d’Angleterre évita de qualifier M.  le duc d’Orléans en lui parlant, mais voulut qu’il eût un fauteuil, à quoi il ne prétendait pas, mais qu’il eut garde de refuser. Les princesses du sang mangèrent au grand couvert par une grâce qui fit crier très fort mais ne porta pas d’autre fruit. Le souper fut servi par Olivier, premier maître d’hôtel du Roi. Son nom était Dabescat ; il était respectueux, aimé de tous, et si connu à la cour d’Angleterre que plusieurs des seigneurs qui accompagnaient le Roi le virent avec plus de plaisir que les chevaliers de Saint-Louis récemment promus par le Régent et dont la figure était nouvelle. Il gardait une grande fidélité à la mémoire du feu Roi et allait chaque année à son service à Saint-Denis, où, à la honte des courtisans oublieux, il se trouvait presque toujours seul avec moi. Je me suis arrêté un instant sur lui, parce que par la connaissance parfaite qu’il avait de son état,