Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/102

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vanité, mais d’abord, est content d’avoir de belles tulipes…

Ce soir-là, Timothée Nangès ne parut pas au quartier. Plongé dans un fauteuil, il remuait la cendre du passé. Il éprouvait la volupté d’Ovide exilé à revoir, dans les volutes de la fumée, les bosquets d’Île-de-France, et ses moulins à eau, et ses parcs qui viennent mourir au bord de ruisseaux gracieux, la terre qu’il avait choisie jadis pour y souffrir un peu, où derechef le ramenait le cours hasardeux de sa pensée, patrie élue après de longs périples, bien au delà de nos mers, dans les océans inconnus.

À quatre heures, la jolie Valérie fit son entrée. Sa gracilité s’accordait mal avec la rude contemplation de Timothée. Elle amenait mille potins, ces potins qu’elle arrivait à glaner par un prodige d’habileté dans cette ville morte et embrumée. Le capitaine l’écoutait assez distraitement. Elle le trouva « peu galant », comme elle disait, et point suffisamment occupé d’elle. Mais elle ne songea pas à s’en froisser.