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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/110

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petite barbiche noire, vient à son secours. Il le bouscule comme un enfant :

— Ah ! les bleus seront toujours les bleus !…

Et il arrache la brosse des mains de Vincent. En un tour de main, les basanes reluisent…

— Tu sais, il faut y mettre de l’huile de bras, conclut le vieux.

Maurice goûte un vif plaisir à vivre parmi ces gens. Vieux marcheurs des routes, vieux routiers, vieux traîneurs de guêtres, ils le gourmandent comme un gamin, et puis ils viennent toujours le tirer d’embarras.

Dans la grande armée « nationale », dans la nation armée comme il faut dire, il serait peut-être moins heureux. Entre les « anciens » d’un an, gouailleurs, ne pensant qu’à la « fuite », cherchant à « se défiler » de l’ouvrage le plus possible, et les petits sous-offs grisés par leurs galons neufs, il ne connaîtrait pas cette forte sérénité, sûre d’elle-même, bien posée et établie, cette vie de famille de la vieille marine. Ici, chacun connaît son travail, chacun fait ce qu’il a à faire, sans qu’il ait besoin des « deux jours » du brigadier. Les gestes du métier sont si familiers à tous qu’ils les accomplissent sans effort, comme ces forgerons qui soulèvent avec