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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/126

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Pourtant Maurice avait remarqué à côté de lui une assez jolie fille. Elle avait une grosse coque de cheveux qui lui tombait sur les yeux, et sa bouche, où manquaient deux dents, était pourtant voluptueuse, comme l’exhalaison nocturne et frissonnante d’une lagune.

— Tu offres quelque chose, mon chéri ?…

Tout de suite, il fut au ton. Il offrit une menthe à l’eau, enlaça la fille, lui demanda sa bouche, ce dont elle feignit d’être scandalisée. Pourtant, voyant l’innocent, elle se radoucit et lui dit, tout près de ses yeux :

— Tout à l’heure, petit voyou, tout à l’heure !

Un vertige, une bouffée de sang à la tête, et le jeune brutal commandait :

— Allons-nous-en !

Et il l’entraîna dans la nuit de la rue, tandis que les deux anciens continuaient de chanter.

Au petit jour, Maurice connut l’affreux serrement de cœur d’aller par les rues désertes, après une nuit d’amour, et la désolation des murs de l’Arsenal quand on sait que l’aube va venir, et qu’il fait sombre, mais déjà un peu jour, et qu’il fait froid. Maurice appréciait exactement sa situation. Il avait découché, et, chose plus grave, il craignait — à voir la clarté