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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/143

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parce qu’ils les estiment, les insensés, étrangères à la raison. Maurice, lui, bâtissait sa vie sur ce sable mouvant. Il y fallait l’audace tranquille de sa jeunesse. Jeune garçon, jeune gars aux yeux bleus, peu fait pour la dialectique savante, et, ce qui est plus fort, qui s’en rendait compte…

Tout à fait étranges, ces haltes de Maurice sur la route déroulée à l’infini de la vertu et de l’honneur militaires. Ainsi la première manœuvre de garnison à laquelle il assista fut une révélation, mais nullement réfléchie, toute de sensibilité esthétique. Il fut révélé à Maurice tout un monde de sensations étagées, cutanées, sous-cutanées, bulbo-rachidiennes, dégradées de l’extérieur jusqu’aux régions les plus troubles de la conscience. Évidemment, ça ne se raconte pas. Ce n’est pas un argument à produire dans une assemblée de philosophes. Non. Mais déjà, au point où nous en sommes, nous n’argumentons plus. Nous vivons.

C’était un matin d’avril. Et d’abord, ce fut si pâle, si ensommeillé qu’il semblait qu’aucun souvenir ne pût émerger jamais de cet océan de brume. Vincent trébucha dans les cuirs des bricoles, puis il entra dans l’écurie