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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/148

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verdure ! C’était un flot de poésie qui l’envahissait à suivre l’artifice humain, fluide, mouvant, si heureusement mêlé à cette stable, immobilière, éternelle campagne…

Soudain un geste de Nangès arrêta la masse. Des troupes affluaient, des fantassins chantaient au long des chemins creux :

— Reconnaissance, criait Nangès.

Et, suivi de trois cavaliers, il s’élançait vers une petite crête qui dominait la batterie vers la droite… De loin, Maurice l’apercevait, qui se détachait sur le ciel gris, la cigarette collée aux lèvres, les jumelles à la main… L’attente se faisait silencieuse. Qu’y avait-il derrière cette crête ?… L’illusion commençait… Derrière, il y avait le champ de bataille. Maurice l’imaginait avec des lignes indéfinies de soldats, des groupes épars filtrant, passant, glissant, des sections, des escouades, des pelotons de cavalerie embusqués derrière des boqueteaux, partout une poussière humaine, et pourtant le dessin net d’un grand mouvement ondulé, serpentin, mais tout d’une poussée, une impulsion commune, unie, tendue, vers l’avant. Mais était-ce cela réellement ?… Et ici se laissait deviner, entrevoir, le grand, le