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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/227

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— Mon cher Nangès… (sa voix avait un air de lassitude qui lui allait bien, qui était bien aussi ce qu’il fallait, et ce nom de Nangès aussi faisait bien. Elle aurait pu dire, dans la même note : Mon cher ami… Tout le passé remonta, fut réintroduit)… Mon cher Nangès, vous faisiez si bien semblant de m’aimer autrefois…

Elle parla d’une promenade en mer, du retour au port parmi des rochers qui défilaient comme des décors de théâtre pour une scène d’amour, dans Wagner. Et elle avait dit tout cela avec une grâce un peu enjouée, un peu fanée, très spirituelle. Ainsi elle ajouta :

— Que vous saviez mal comprendre, mon cher barbare, toutes ces choses divines. Jamais vous n’avez aimé ce qu’il y a de beau dans la vie : les prés en été, la mer, la campagne d’automne.

— Je n’aimais que vous, ma chère maîtresse, dit Timothée avec un élan de tendresse qui vibrait bien.

Mais qu’est ceci ? Voilà qu’il s’humanise, quitte sa morgue ennuyée des derniers mois… Confusément, Valérie devinait l’artifice et que ce pouvait bien être là le chant du cygne.

— Peut-être, dit-elle, m’aimeriez-vous encore, mais vous n’aimez pas le bonheur.