Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pensée qui vient du cœur, une pensée de dévotion et d’amitié qui vous envahit. Le soir, quand le soleil barre d’une raie d’intense violet les glèbes pesantes de l’horizon, par-dessus le frisson délicat et nocturne des hêtres, on se sent inondé d’amour, de volupté paisible, comme celle qu’évoque un foyer heureux. Dans les chemins creux où un pommier se penche de loin en loin, on rencontre des hommes et des enfants, et l’on entend de larges tintements d’angélus. Des parfums mouillés montent des vallées. Les coteaux gracieux sentent la nuit, le lourd repos.

Diocèse de Meaux, cryptes de Jouarre, cloches des petites communes, cloches des paroisses, Crécy, Villiers, Voulangis !… Les heures passent, claires et légères, point voluptueuses, si l’on veut, mais tendres surtout.

On a dit la grâce parfaite, l’harmonie délicate, le bon goût de ces paysages modérés. Ce n’est pas cela que venait y chercher un homme comme Timothée Nangès quand, dans les arrêts d’une vie désordonnée, il voulait se reposer dans de la certitude et de la logique. Ce qui lui plaisait dans cette terre, c’était au contraire il ne savait quoi de grand, de tendu,