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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/259

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Vers le soir, trois jours après Gibraltar, l’Afrique n’était encore qu’une chose vague, grisâtre, incertaine : à l’Orient, très loin, une mince bande sablonneuse et monotone. Nangès songeait à l’étrange destinée qui voulait que cette chose-là, si petite et si pauvre et si nue, fût toute sa vie.

Le lendemain matin, de la passerelle du commandant, il saluait la terre des Maures. Grisé de sels marins et de souvenirs, il se laissait aller, devant sa pauvreté calcinée, à un lyrisme sentimental dont, à lui seul, avec son cœur trop sensible, il faisait à peu près tous les frais. Comme le navire s’était rapproché à cinq ou six milles du rivage, des boursouflures apparaissaient, quelques jeux d’ombres et de lumières apportaient au mystérieux lointain un peu de précision. Un troisième infini, entre la mer et le ciel, entrait en scène et s’affirmait, C’était celui de la Mort et du Silence.

Le capitaine Nangès éprouvait une sorte d’exaltation à sentir si proche et en même temps si défendu le grand mystère saharien Il côtoyait le plus magnifique des abîmes et s’enivrait de son vertige.

Ainsi, se disait-il, derrière ces dunes, il y a