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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/261

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odeur, sauvage et forte, qui l’accompagne. Des profondeurs du désert, un murmure unique s’élève. C’est la prière de l’Islam. Un souffle divin circule de l’ouest à l’est, et il ranime la plaine agonisante. Le chant lointain met une pensée dans les dunes fauves. Nangès ne veut pas l’entendre. Il se souvient de ses amis qui sont morts, et qui reposent par là, dans la lumière. Il sourit, un peu las : sa tendresse, qui va vers eux, se fait un peu envieuse.

Ainsi songeait Nangès, dans son premier soir d’Afrique. Des clartés roses qui s’éteignaient et ses méditations faisaient la terre plus âpre, plus tragique. Timothée, accoudé au bastingage du spardeck, se sentait solitaire de partout. Dans le silence, il essayait de dénombrer les causes qui l’avaient noué si fortement à l’Afrique…

Nangès est un artiste ? Il veut vivre dans la pure lumière, dans la beauté ? Peut-être ! mais il n’est pas un bibelotier, oh non, il n’est pas un délicat, un raffiné, et il est forcé de s’avouer que ses émotions ont une qualité plus spirituelle. Au seuil de l’Afrique, ce n’était pas aux nomades pasteurs de troupeaux qu’il allait penser, mais à quelques compagnons