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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/265

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sans grâce, fait figure de quelque port levantin, le pittoresque en moins.

Ce n’est pas trop de dire que Nangès éprouvait une véritable émotion lorsqu’il mettait les pieds dans cette ancienne capitale du Sénégal où jadis M. de Boufflers avait caché ses plus doux souvenirs d’amour et où, plus récemment, le grand Faidherbe avait laissé d’impérissables souvenirs. Il s’étonnait que le recul de l’histoire fût à ce point nécessaire qu’il le forçât à préférer une ville, qui, somme toute, n’avait guère qu’un siècle d’existence de plus que sa rivale.

Nangès aimait à retrouver ses camarades au Cercle militaire. Pendant ces quelques jours qu’il passait à Saint-Louis, il prenait la note et se mettait au ton. Dès le premier soir, il avait remarqué que le style général des conversations était plus grave, plus haut qu’en France, sans qu’il devînt pourtant prétentieux. Une grande décence, une dignité sérieuse… Cela vient de ce que Saint-Louis est un peu la porte de la brousse. C’est un lieu de grande circulation, une tête de ligne. Il faut un mot militaire : c’est une étape. Presque chaque jour, on voit des visages nouveaux, mais ce