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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/273

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venait d’arriver. Les meubles eux-mêmes respiraient l’abandon. Les tapis étaient roulés dans un coin de l’atelier. Le plancher craquait à chaque pas. Des malles, des paquets de toiles ficelées, ébauches de l’été, jonchaient la pièce. Bien que le poêle ronflât déjà, un grand froid pénétra Maurice jusqu’aux os, jusqu’à l’âme. Chaque pas qu’il faisait se répétait en écho prolongé. Il avait peur, comme si quelque vieux fantôme, familier et terrible, était caché là, dans cette pièce. Confusément, il frémissait comme au coup d’aile d’une immense fatalité, non point celle qui vient du dehors, mais celle qui nous vient de nous-mêmes, que nous créons et subissons, celle qui vient des profondeurs obscures de notre conscience, peut-être de plus loin, — de la conscience même des ancêtres.

M. Monestier entra dans l’atelier. Il serra vigoureusement la main du jeune homme. Sa barbe grise s’étalait sur un jersey de matelot. Il avait aux pieds de gros souliers ferrés qui rappelaient la campagne, les terres grasses des lisières de bois. Affectueusement, il posa la main sur l’épaule de Maurice et le regarda. Il aimait ce jeune homme, ce charme d’enfant