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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/277

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naissait aussi, et il se savait trop insouciant pour croire que sa vie se jouait sur une minute.

— Allons, il faut que je parte, dit-il. Je ne veux pas te quitter sur ce mot triste. Souris un peu, Claire, que j’emporte là-bas ce sourire.

Mais la jeune figure est là, près de lui, toute simple et naturelle, avec son air candide de toujours.

— Au moins, dit Claire, j’aurai souvent de tes nouvelles.

Maurice préférait cette banalité.

— Mais oui, petite Claire, ce n’est pas si loin, le pays des Maures !

Et les voilà qui combinent des dates de courriers, des horaires de paquebots…

Ils se dénouèrent lentement. L’adieu, dépris, repris, traînait. Ils étaient gênés. En fait, ils n’avaient plus rien à se dire. Mais ils hésitaient et avaient l’air de se savoir maladroits ou inexperts. On eût dit que chacun cherchait le mot de la fin, le mot définitif, sur quoi il n’y a plus qu’à partir. Ils avaient le cœur trop lâche, trop détendu pour le trouver. Enfin l’homme prit une résolution énergique. Il baisa la main qui hésitait, essaya le regard qui veut tout dire, et s’enfuit légèrement.