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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/314

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Maurice, les yeux fixés sur son horizon inhabité, éprouvait un mal étrange. Cette ferveur qu’il ne pouvait comprendre, et qui seule mettait une pensée dans ce désert, elle lui faisait une crispation de cœur intolérable. À ce moment-là, il sentait l’âme de ses hommes plus haute que la sienne. Il souffrait de sa race devenue incapable d’adoration.

Tandis qu’il les regardait : « Comment arriverions-nous, pensait-il confusément, à ce degré de communion ? Beaucoup même qui prient chez nous, n’ont point ce déchirant soupir d’amour qui ranime la plus morte des terres. »

Il se remit en selle, Nangès repartait. Les rêves troubles du jeune homme et le balancement allongé de son chameau lui donnaient une petite fièvre qui le tenait éveillé. Les sables avaient cessé. Ils entraient dans une plaine de cailloux noirs que fermaient devant eux des éboulis de roches.

Nangès savait que c’était sa route. Avec cela, il se disait : « Où suis-je ? », et encore : « Pourquoi suis-je ici ? Que fais-je ? Qui suis-je ? Où tout cela mène-t-il ? » Sa tête tournoya, il s’assoupit. Les rochers noirs se rapprochaient. Dans son demi-sommeil, il sentait le cercle