Page:Psichari - Le Voyage du centurion (1916).djvu/211

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mon âme au milieu de ce monde. Ce miracle me suffit, d’être là, et de me connaître moi-même comme inconnaissable. Ce miracle me suffit, que j’aie une âme au milieu de ce monde, et si profonde que je reste tremblant au-dessus d’elle, comme l’oiseau immobile, les deux ailes déployées, au-dessus de l’abîme. Il ne m’a pas été donné de contempler la terre secouée par la face du Seigneur, je n’ai pas vu les rivières remonter vers leur source, ni les montagnes sauter comme des béliers. L’ordre de la nature n’a point été suspendu devant mes yeux. Mais j’ai assisté à ce miracle, de l’ordre de la nature se perpétuant. J’ai vu Dieu laissant toute chose en sa place, selon l’ordonnance primitive. J’ai vu le monde prodigieux, et rien ne manque à l’ensemble. Tout est plein jusqu’au bord, et pourtant il n’y a rien de trop. La matière remplit exactement la forme, et mon