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Page:Psichari - Terres de soleil et de sommeil (1917).djvu/49

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terres de soleil et de sommeil

Baya, d’ailleurs, n’ignore aucun érotisme, aucune perversion de l’instinct sexuel. Avec cela, l’amour n’est pas chez lui bestial ; il est d’un dégénéré, d’un fatigué, d’un blasé. Il faut que dans l’ivresse il cherche l’exaltation des sens et d’artificielles tendresses.

Les signes de la décadence sont ici éclatants, irrécusables. Nulle apparence de jeunesse dans ce peuple pourtant sans histoire. Je me souviendrai longtemps de ces jeunes hommes que j’aperçus vers la fin de décembre 1906 au village de Baouar, sur la Nana. Ils étaient trois ou quatre, silencieux, immobiles devant une des cases du village. Leurs grands yeux étonnés nous regardèrent passer, et ce fut tout. Ils étaient nus, mais portaient de nombreux bijoux, des spirales de cuivre aux jambes et aux bras, des colliers de métal blanc et des colliers de cuivre ; leur coiffure était compliquée, presque féminine ; elle était faite de nattes minces et longues et une couleur rouge brique, extraite de l’écorce de certains arbres, les teignait. On ne saurait facilement imaginer de plus