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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/151

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PHYLLIS

entre mes mains, j’aurais dû lutter, au contraire, pour le conserver… Je me rappelai son inépuisable patience, sa bonté, sa douceur envers moi, et toujours ses bras ouverts pour me recevoir…

Ah ! pourquoi cette maudite femme est-elle revenue, juste au moment où j’étais si heureuse, où je me sentais prête, dans notre intimité à deux, à aimer mon mari de toute mon âme !

Un son de cloche me lit relever péniblement.

Huit heures, déjà ! C’était la cloche du dîner à Summerleas. Je repris ma course. Bientôt des lumières apparurent. Jamais elles ne m’avaient été si agréables à voir. Celle du petit salon où mère travaillait d’habitude en attendant le dîner m’attira, avec une force invincible. Pauvre maman, quel coup pour elle !

Voici le jardin… À bout de forces, je me traînai jusqu’à la porte-fenêtre et, tâtonnant dans l’obscurité, j’en tournai la poignée…

Oui, elle y était !

Mère jeta un cri et vint à moi.

— Phyllis, mon enfant, que t’est-il arrivé ?

Sans répondre, je me laissai aller dans ses bras, et me cramponnai à son cou convulsivement comme si je venais d’échapper à un danger mortel.

— Ma pauvre petite, dans quel état es-tu ? Grand Dieu ! Il a dû t’arriver un malheur ? Parle, parle…

— Oui, lis-je d’une voix saccadée ; un grand malheur… Mark ne m’aime plus… Il veut prendre… une autre femme…

— Mais tu es folle, ma pauvre enfant, tu déraisonnes !

— Non, c’est vrai, je l’ai vue… elle est… à Carston… il la voit tous les jours… il l’aime ! Oh ! maman ! maman, gardez-moi. Je ne veux plus retourner là-bas.

— Phyllis ! Mon Dieu ! Que dira ton père ? Non, je ne puis croire ce que tu dis : M. Carrington, un homme sérieux…

— J’ai ses lettres… ses lettres, murmurai-je faiblement. Car mes oreilles bourdonnaient, un voile passa devant mes yeux et, pour la seconde fois de la journée, je tombai sans connaissance…

Mère me souleva tendrement, elle m’emporta jusqu’à mon ancienne chambre où elle me déposa sur mon lit de jeune fille ; Pauvre petite épave trop faible pour résister aux coups du sort ! Je demeurai longtemps dans un état insensible.

La conscience ne me revint que plusieurs jours plus tard, ma course à travers bois sous la pluie avait provoqué une congestion pulmonaire. Je fus pendant trois jours entre la vie et la mort.

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