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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/160

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PHYLLIS

premier sourire, je sentis que j’étais votre esclave à jamais. Votre beauté altière, votre air dominateur, l’air de reine qui vous convient si bien, m’ont d’abord intimidé, je l’avoue, puis, au bout d’un quart d’heure, je découvris sous votre aspect hautain la jeune fille charmante et spirituelle que vous êtes. Avec quelle gaité et quel entrain vous vous êtes moquée de ce pauvre Brewster qui ne savait, à la lettre, quelle contenance tenir ! Épargnez-le à l’avenir, chère Fanny. Brewster est un timide et un sensible, c’est un peu pour cela qu’il est un de mes meilleurs amis.

« Vous avez, bien voulu être satisfaite de votre bague de fiançailles et vous m’en avez remerciée avec un sourire pour lequel j’eusse voulu me prosterner à vos pieds.

« Vous m’avez dit en rougissant d’une façon adorable :

« — C’est vraiment une très belle bague, ni Jane Hoggs, ni Lucy Barley, n’en ont eu d’une telle valeur, elles en mourront de jalousie !» Puis vous avez ri et votre rire musical est la plus douce harmonie qui puisse tinter à mes oreilles.

« Plus tard, chère bien-aimée, je ferai remonter tous les diamants des Carrington pour en parer vos épaules et vos bras incomparables…

« Mais, en attendant, ne croyez-vous pas, Fanny, que le don absolu d’un cœur a aussi sa petite valeur ? »

« 4 avril.

« Je suis rentré assez fatigué de notre tournée de visites. Que de monde vous connaissez à New-York, c’est insensé ! mais cependant je tiens à vous faire porter ce mot avant le dîner où je dois vous retrouver chez Mrs. Harris…

« Oh ! Quand passerons-nous une petite soirée tout seuls chez vous, très seuls, délicieusement ?

« J’ai soif d’être près de vous, mon amour, et ce n’est point vous avoir à moi que de partager ce bonheur avec vingt-cinq ou trente personnes chaque jour ! De grâce, Fanny, réservez-moi une soirée, je vous en supplie ! Le besoin que j’éprouve d’être auprès de vous, seule, est si fort que — je fais effort sur moi pour vous le dire, je sais que vous en rirez ! — que le matin à l’aube, quand vous donnez, je viens me promener à cheval sous vos fenêtres, je regarde vos persiennes fermées et je pense : « Maintenant elle est seule, elle dort, elle ne soupçonne même pas ma présence, mais personne ne lui parle, personne ne la regarde, et je suis peut-être le seul en ce moment à penser à elle. »

« C’est de l’outrecuidance, de la folie, ne me raillez