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Considérez que la thaumaturgie suprême réside à émouvoir les cerveaux et les cœurs pour y régner ; et dites-moi, lord Byron français, dont les pages vermillonnent de reflets de fournaises, incendiaires aux imaginations vives ; dites-moi, critique des œuvres et des hommes, qui, en vingt pages de clarté rationnelle, bâtissez un nouveau piédestal ou sapez un ancien ; dites-moi enfin, prodigieux Sagittaire de la conversation dont le trait pointé d’ironie et empenné de grâce ne dévie jamais du visé, si ces œuvres de génie ne sont pas des œuvres de magie ?

Votre attitude même, hautainement dédaigneuse dans cette fin de siècle qui semble la fin d’une descente de Courtille, Votre adhésion perpétuelle au Verbe de l’Église, la physionomie d’Alceste que Vous n’avez jamais démentie dans la vie littéraire, si corruptrice des nobles roideurs, sont dignes du plus grand Adepte.

Mais par-dessus toutes ces marques, sur Vous éclatantes, il en est une qui Vous mitre mieux encore : le prestige de Votre abord et l’invincible séduction de Votre commerce.

Votre intimité m’apparaît la plus haute fortune de cœur où un intellectuel de ce temps puisse prétendre.

Personne n’admire plus que moi le Prêtre marié et les Diaboliques ; mais en Vous l’homme est si au-dessus de l’œuvre ; Vous êtes plus grand que Votre génie même. Voilà pourquoi je n’ai pas eu besoin, pour fonder la fortune de mon œuvre, d’une autre magie que de la magie de Votre amitié.

Paris, Mai 1887.

J. P.


CURIEUSE !



Voyez, ces belles choses que nous montre le ciel : Voyez ces astres errants qui cherchent leur cause, voyez ces nébuleuses pareilles à nos cœurs que la passion trouble. Voyez ces étoiles filantes qui traversent le ciel comme une pensée traverse notre âme. Terrible septénaire du destin, te voilà donc vaincu ! Jupiter, tu ne me prendras à aucune vanité ; Saturne, je suis sorti de la solitude où tu m’avais enfermé ; Soleil, tu ne m’éblouiras pas avec de la gloire ; je vois plus loin que tes formes ; Mars, tu ne troubleras d’aucune colère ma sérénité et mes mains resteront pures de sang ; Lune, malgré toi j’ai fait de tous mes caprices une unique volonté ; Vénus, vois donc ces deux êtres qui malgré toi rejettent le sexe ; Mercure, ascendant volatil, je t’ai fixé sur cette tête blonde ! Clous d’opale rivés par le marteau