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pour affaires de service ; mais il le fait aussi entre Alger et Cadix.

Ce bâtiment, devant toucher à Cadix, a reçu l’ordre, par M. le maréchal Bugeaud, de prendre à bord la personne dont on parle ; mais c’est par erreur que ce bâtiment a été ensuite la porter à Alger et a continué sa route jusque sur les côtes de Constantine.

M. Léon de Maleville : Messieurs, je ne veux pas entretenir la chambre des voyages du Véloce. Il m’est démontré que nous ne saurons pas aujourd’hui la vérité ; nous ne saurons pas qui est-ce qui a donné l’ordre à Cadix, nous ne saurons pas qui est-ce qui a donné l’ordre à Alger. Mais il y a encore quelque chose de plus grave qu’on veut faire oublier à la chambre, c’est la mission en Algérie ; c’est sur ce point que les explications du ministère sont nécessaires, indispensables, pour son honneur et pour notre dignité. (C’est cela !)

On a dit publiquement qu’un ministre avait appelé un homme de lettres, et lui avait dit : « Vous assisterez à une grande cérémonie, vous en serez le marquis de Dangeau… » (Rires.) C’est une fantaisie de cour !… « Et après la cérémonie vous irez plus loin ; je vous confie une mission du Gouvernement ; vous irez en Algérie pour la faire connaître à MM. les députés qui n’y entendent rien. » (Hilarité).

Ces paroles, elles ont été affirmées deux fois.

(En ce moment M. de Salvandy, ministre de l’instruction publique, entre dans la salle. Sa présence provoque des exclamations à gauche).

Elles ont été confirmées par une nouvelle déclaration, par ces mots : « On n’attribue pas à un ministre ces paroles quand il ne les a pas prononcées. »

Eh bien ! messieurs, c’est sur l’importance et la convenance d’une pareille mission que je demande les explications du ministère.

M. le président : La parole est à M. le ministre de l’instruction publique.

{{M.|de Salvandy]], ministre de l’instruction publique (entrant dans la salle) : Messieurs, je caractériserai dans des termes très-brefs et très-précis la mission littéraire à laquelle j’entends qu’il est fait allusion en ce moment.

J’ai donné uniquement une mission pour l’Algérie, point pour Tunis ni pour l’Espagne, pour l’Algérie seulement. Je ne crois pas qu’il soit de la dignité de la chambre, j’ai la profonde conviction qu’il n’est pas de la mienne, de discuter en quels termes, dans mon cabinet, en tête-à-tête avec un homme de lettres, cette mission a été donnée. Je dirai seulement que j’ose penser que tous mes collègues, et celui qui me faisait l’honneur de m’interpeller en mon absence autant et peut-être plus qu’aucun autre, savent qu’il n’est pas dans mes habitudes de m’exprimer jamais, même dans le tête-à-tête, d’une façon qui ne serait pas convenable pour les personnes, et à plus forte raison pour les pouvoirs publics, qui ne serait pas convenable pour moi-même. (Approbation.)

Quant à la mission, renfermée dans ces termes et dans ces limites, les dernières paroles de l’honorable membre, les seules que j’aie entendues, me font me demander si j’ai des explications à donner à la chambre sur la personne ou sur la mission même.

Sur la personne, je ne dirai qu’une chose : le même écrivain, sous des administrations antérieures à la mienne, avait reçu des missions de même nature… (Mouvement.)

M. Luneau : C’est bon à savoir.

M. le ministre, continuant : Sans qu’aucune des commissions de la chambre, devant qui il m’est arrivé de m’expliquer sur ces missions que je n’avais pas données, m’ait fait des observations qui m’eussent appris que les faits de ce genre ne devaient pas se reproduire.

Quant à ce fait actuel, qui a eu un retentissement et un éclat inattendus pour moi, il est vrai, messieurs, que j’ai pensé qu’il était bon que cette terre d’Afrique, si nouvellement française, fût mise, par les communications les plus multipliées et les plus diverses, en rapport avec la France. (Bruit à gauche.)

Peut-être j’ai eu tort dans cette pensée ; mais je dois dire qu’elle est très-ancienne chez moi. Je ne crois pas qu’il soit arrivé qu’un homme de lettres ait désiré visiter notre vaste territoire d’Afrique et l’armée qui l’a si laborieusement conquis sans que j’aie essayé de lui en faciliter les moyens. J’ai cru entrer par là dans cette pensée qui, depuis dix-sept ans, préoccupe et domine tous les pouvoirs de mon pays, cette pensée de créer le plus de liens possibles entre la terre d’Afrique et la France, de faire le plus possible connaître l’Afrique à la France. Le ministre de l’instruction publique n’y peut rien que par l’entremise des lettres. Il croit devoir toujours les appeler à son aide[1].

  1. Peu de jours après la séance de la Chambre que nous rappelons, un .journal qui s’est fait cabinet de lecture, le Siècle, défenseur officieux et fidèle de M. Du-