Page:Quatremère de Quincy - Considérations morales sur la destination des ouvrages de l’art, 1815.djvu/100

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l’ouvrage, il n’y a que les beaux ouvrages qui puissent ainsi faire travailler l’imagination.

Or, qui contesterait ici que le plus grand nombre des impressions du temple de Tibur ne soit le produit de notre imagination exaltée par le grand spectacle de la nature, par les beaux souvenirs du lieu, par une multitude de rapports liés à une multitude de causes accessoires ? Le site donnait de la valeur au temple, et le temple donnait de l’intérêt au site : mais le temple, vu et possédé seul, n’est plus qu’une figure détachée d’un superbe tableau ; éloigné de son ensemble, il n’est plus qu’un objet d’étude ou de curiosité.

En vain notre bizarre amateur lui eût demandé de redire, dans un site étranger, toutes ces merveilles qui jadis avaient charmé ses sens et son esprit ; la ruine, muette et privée d’effets, n’eût plus répondu à ses désirs. Détenteur de sa froide réalité, il eût préféré son souvenir à sa présence. Il lui eût fallu, pour revoir ce temple, le replacer en idée sur la cime du mont qu’il en eût dépouillé. Qui sait encore si le fait de sa possession matérielle ne lui eût pas enlevé jusqu’à la faculté de ce transport imaginaire ?