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vrais moyens qui constituent la puissance de la musique ; l’un n’est que pour l’instinct vulgaire, et l’autre n’a de prise que sur les savans ; la vertu de l’Art et son triomphe consistent à nous émouvoir. Or, cet effet mécanique des sons ne flatte que les sens, passe promptement, et n’agit que faiblement sur nous ; et quant aux ressorts de la science, s’ils contribuent aux impressions du plaisir, c’est à notre insçu, et dès que l’esprit les aperçoit, le sentiment se retire.

Voilà pourquoi la science doit se cacher dans les compositions ou les exécutions musicales qui entendent à nous toucher. Voilà pourquoi l’on ne saurait trop mettre en jeu, dans l’action de cet Art, tout ce qui dispose l’auditeur à aller au-devant des affections qu’il doit ressentir, pour se mettre en sympathie avec les effets qu’on veut qu’il éprouve ; et cette sympathie dépend, plus qu’on ne saurait l’imaginer, de l’harmonie des causes extérieures, locales et accessoires.

Comme les tableaux de la musique ne peuvent se définir, il y a aussi dans la manière d’en jouir quelque chose d’indéfinissable : c’est l’Art du sentiment, et le sentiment se compose des rapports les plus déliés. Est-il rien qui soit capable de détruire ou de remplacer dans l’imagination le charme