Page:Quatremère de Quincy - Considérations morales sur la destination des ouvrages de l’art, 1815.djvu/44

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tiellement privé de tout rapport avec toute autre destination. On peut le louer et l’admirer dans place qui lui convient ; mais on est forcé d’avouer que tel ne doit pas être le but général des travaux de l’artiste.

Le trop d’estime pour ce qu’on nomme les morceaux d’étude provient, et d’une fausse manière d’envisager la science, et de l’erreur si commune en ces matières, erreur qui consiste à confondre la fin avec les moyens, ou, ce qui est pire encore, à exiger d’un seul moyen l’effet qu’on doit attendre du concours de tous. Nul doute que la science ne soit un des moyens par lesquels l’ouvrage de l’Art plaît ; sans elle, il est incapable de nous fixer : mais il y a aussi le sentiment, qui est un autre genre de science, et sans lequel non-seulement l’ouvrage ne plaît pas, mais la science elle-même déplaît.

Il ne faut donc pas trop fortifier la puissance d’un ressort aux dépens de celle d’un autre : on doit ne pas perdre de vue que les effets de la science s’adressent à l’esprit, et que ceux du sentiment s’adressent au cœur. Or, comme la faculté qui sent est en nous plus active que la faculté qui raisonne, l’artiste qui vise à n’être que savant, manque d’autant plus à plaire, qu’il semble nous avertir qu’il y renonce et qu’il n’y veut point prétendre.